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u regard de l’urbanisation de Dakar, on s’aperçoit à perte de vue d’innombrables chantiers de construction qui pullulent le désagréable décor polluant de Dakar.  Et si ces chantiers jadis lieu d’épanouissement professionnelle se seraient mus en véritable incubateur d’accidents de travail.

Au Sénégal, selon les recensements de 2017, le secteur des BTP enregistre en moyenne 2.300 accidents par an. Ces chiffres sont sans doute plus élevés, si l’on se tient au caractère déclaratif du système et que seules les entreprises répertoriées accomplissent cette démarche. Dans les entreprises du secteur informel qui emploient une grande proportion d’ouvriers non déclarés (ne bénéficiant alors d’aucune cotisation à l’IPRES, d’aucune assistance à la caisse de sécurité), on y trouve des personnes qui n’ont pas toujours la formation professionnelle requise, qui effectuent des activités à très haut risque sans prise en compte des mesures sécuritaires, qui travaillent dans des ambiances physiques particulières, sous la chaleur, à longueur de journée et en soulevant de lourdes charges.

Nous passons sous silence les multiples cas d’accidents graves et même souvent mortels qui ont lieu dans ces chantiers de construction. Un ouvrier qui tombe d’un R+3,4,5. Un équipement ou une machine qui heurte un ouvrier. Une charge pas bien accrochée selon les normes sécuritaires requises et qui percute un ouvrier, etc. Tels sont les tristes scénarii qui meublent quotidiennement nos chantiers.

Dans ce déshonorant constat, les responsabilités sont diversement réparties : les employeurs, l’état à travers l’inspection du travail, l’employé, la société.

  • Employeurs :

Des employeurs pas du tout au gré de leurs responsabilités envers leurs employés et qui banalisent à la limite la sécurité de ces derniers. Et pourtant, au Sénégal, depuis 23 ans maintenant, le code du travail en son titre 11 relatif à « Hygiène et Sécurité », articles L171, L172, L173, … L181, donne à suffisance énormément d’instructions sur la santé et la sécurité des employés :

Resumer Art. 171

De l’Art. L.172 il faut savoir qu’aucun travail ne devrait être constaté sans que l’employeur ne puisse en amont doter à ses employés les EPI nécessaires pour le bon déroulement de l’activité dans toutes les conditions de sécurité requises. Ce qui attribue tout bonnement à l’ouvrier le droit de retrait en cas de constatation d’une situation ou d’une condition dangereuse et grave pouvant entraver le déroulement en toute sécurité de son activité.

Et mieux, en référence à l’article L 176 dudit code, l’employeur est garant de la sécurité du travailleur durant toute la durée d’exercice de sa fonction.

  • Etat /Inspection du travail

Au demeurant, des responsabilités de l’employeur, les faits constatés et remarqués dans l’exécution des chantiers sont pourtant tout autre face au mutisme et au silence complice de l’Inspection du Travail. Néanmoins, l’article L170 montre, cette institution a au même titre que l’employeur une portion de responsabilité sur la santé et la sécurité des employés.

Cependant, qu’en est-il des employés et de leurs responsabilités propres ? de leurs droits et devoirs en tant travailleurs ?

  • Employés

Ces travailleurs, souvent pris au piège de la rareté du travail, de la vulnérabilité et de la précarité de leur statut d’informel, ne prennent pas suffisamment conscience de leurs droits. Des droits que leur confère la loi. La Loi n°97-17 du 1er décembre 1997 portant code du travail nous dit en son article L177 sur la connaissance par l’ouvrier, de tous les risques qui caractérisent son travail.

Qu’ayant conscience des risques qui le guette que le travailleur s’en prémunira. En pédagogie préventive, on nous enseigne que la méthode la plus efficace pour prévenir d’un risque est la formation et la communication.

Parallèlement, l’ouvrier est malgré tout responsable de sa propre sécurité car étant l’affaire de tous.  Il a donc l’obligation d’assurer d’une mise en œuvre sûre et correcte de ses activités. L’obligation de retrait lui donne droit d’apprécier de la probable bonne exécution d’une tâche.

Ces ouvriers sont parfois prisonniers d’une forme de pensée collective résumée par ces expressions : « Yallah Baxneu », « Ndogal Yallah leu », « lou warone am leu » et qui les exposent forfaitairement à leurs risques et périls.

  • Société

Une société que la juridiction de la conscience pourrait s’en exagération aucune condamner pour non-assistance à une personne en danger. Combien de fois avons-nous assisté, en émoi statique certes, mais sans réaction dynamique aucune, à des scénarii exposants des ouvriers à des risques d’accidents très graves voire même mortels ? Combien de fois avons-nous été insensibles au point de filmer une scène montrant un ouvrier en train d’exécuter un travail dans des conditions apostrophant toute logique de bonne conduite et de bon comportement Environment Health and Safety (EHS). Combien sommes-nous à avoir cette pensée du « sama yoone neikouci, c’est son travail ».

Nous avons les moyens de changer ce paradigme car « quand on veut on peut, quand on peut on doit. »

Ils sont nos pères, nos oncles, nos maris, nos frères, nos cousins, ou même fiancés pour certaines. Soyons plus altruiste à leurs égards. Notre société avec sa valeur cardinale du « yeurmeundei » et du « maagoum waxone naako moo gueune maagou xamone naakoo » c’est-à-dire, « un sage qui alerte d’un danger est mieux qu’un sage muet face à un danger ». Nous avons les moyens de changer ce paradigme car « quand on veut on peut, quand on peut on doit. »